3 septembre 2018
Bail dérogatoire conclu après bail commercial, et pourquoi pas ?
L’article L. 145-5 permet de déroger aux statuts des baux commerciaux en conférant aux parties la possibilité de conclure un bail dérogatoire dont la durée totale, ou les renouvellements successifs, ne peut, depuis la loi ACTPE du 18 juin 2014, être supérieure à trois ans.
A l’issue de ces trois années, la seule possibilité pour les parties qui souhaiteraient maintenir leurs relations contractuelles pour l’exploitation par le même locataire des mêmes locaux est la conclusion d’un bail commercial.
Cette mesure vise en effet à éviter que les parties ne se soustraient au statut des baux commerciaux par la conclusion de baux dérogatoires successifs sans limitation de durée.
Mais qu’en est-il lorsque les parties entendent maintenir leurs relations à l’expiration d’un bail de neuf ans mais ne souhaitent pas renouveler la convention expirée ? Peut-on envisager un bail dérogatoire ?
Dans une affaire dont a eu à connaitre la Cour de Cassation, les parties avaient régularisé un bail commercial d’une durée de neuf ans.
A l’issue de la seconde période triennale, le preneur avait délivré congé et avait, avec le même bailleur, pour les mêmes locaux, conclut un bail dérogatoire pour une durée de un an, à effet du lendemain du jour pour lequel le congé du bail commercial avait été délivré.
Le locataire a quitté les lieux à l’échéance du bail dérogatoire et assigné le bailleur en restitution du dépôt de garantie.
A titre reconventionnel, ce dernier a sollicité la requalification du bail dérogatoire en bail commercial, considérant, à l’instar de l’expiration d’un bail dérogatoire, que cette même convention ne peut être conclue après la fin d’un bail commercial.
Faux répond la Cour de Cassation en se fondant sur la lettre même de l’article L. 145-5 du code de commerce : « Les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l’expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux. »
La jurisprudence, établie en la matière, nous rappelle que l’entrée dans les lieux s’entend de la prise de possession des locaux en exécution du contrat de bail dérogatoire.
En conséquence, le fait que le Preneur ait exploité les lieux précédemment en vertu d’un bail statutaire est sans incidence.
Le bail dérogatoire qui suit le bail commercial est donc parfaitement valable.
Cette solution, si elle est juridiquement fondée, est en outre intéressante en pratique lorsque le locataire souhaite, à l’expiration de son bail, se maintenir malgré tout dans les lieux pour une courte durée, le temps nécessaire à son déménagement.