16 octobre 2017
Clauses contraires au statut des baux commerciaux : précisions de la cour de cassation sur l’application dans le temps de la loi Pinel du 18 juin 2014
Sous l’empire du droit antérieur à la réforme des baux commerciaux de la loi Pinel du 18 juin 2014, les clauses contraires à l’ordre public énumérées à l’article L. 145-15 du code de commerce étaient sanctionnées par la nullité.
Ainsi, l’une des parties qui considérait que le bail commercial par lequel elle était liée comportait une clause contraire aux dispositions d’ordre public devait soulever sa nullité dans le cadre de prescription biennale de l’article L. 145-60 du code de commerce.
La loi Pinel a modifié la sanction attachée aux clauses contraires au statut des baux commerciaux. Il n’est en effet plus question de nullité mais de « clauses réputées non écrites ».
Et la différence n’est pas neutre. Ces clauses étant désormais réputées ne jamais avoir existé, les parties qui souhaiteraient s’en prévaloir ont désormais tout loisir de le faire, sans être enfermé dans le moindre délai de prescription. En résumé, les parties peuvent à tout moment faire constater la non-conformité de la clause au statut des baux commerciaux.
Par un arrêt remarqué du 22 juin 2017, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a entendu préciser les conditions d’application dans le temps de cette nouvelle sanction, la loi Pinel étant demeurée totalement muette sur ce point.
Un locataire avait ainsi introduit en 2010, soit antérieurement à la réforme, une action aux fins de requalification en bail commercial de la convention par laquelle il louait des locaux et qui comportait une clause faisant échec à son droit au renouvellement.
Considérant que cette clause avait pour effet de l’exclure du statut des baux commerciaux alors qu’il devait en bénéficier, il soulevait que son action avait pour objet, non plus d’en faire constater la nullité mais d’obtenir de la juridiction saisie qu’elle la répute non écrite. En pareille matière, son action, imprescriptible, aurait donc dû aboutir.
Cette argumentation est toutefois écartée par la Haute juridiction, au motif que les modifications apportées par la loi Pinel à l’article L. 145-15 du code de commerce ne s’appliquent pas aux procédures en cours à la date d’entrée en vigueur de cette loi. L’action engagée par le locataire ne pouvait donc tendre qu’ à la nullité de la clause, action soumise à la prescription de l’article L. 145-60 du code de commerce. Or, celle-ci ayant été engagée plus de deux ans après la conclusion du bail, la Cour de cassation n’a eu d’autre choix que de rejeter le pourvoi du locataire.
S’il était acquis que la nouvelle sanction de l’article L.145-15 du code de commerce s’appliquait aux baux conclus ou renouvelés depuis le 20 juin 2014, les praticiens n’avaient aucune certitude quant aux baux antérieurs.
La réponse est aujourd’hui apportée s’agissant des procédures introduites antérieurement à la loi.
Quid toutefois des procédures introduites après mais relative à des baux conclus avant … ?
La cour d’appel de Paris semble pencher pour une application immédiate de la loi (CA Paris 10 février 2016) mais la question n’est pour l’heure pas tranchée.
La cour de cassation devra se prononcer sur ce dernier point, car si des incertitudes subsistent quant aux vides juridiques de cette réforme, plus de trois ans après son entrée en vigueur, la nécessité de les remplir ne laisse quant à elle place à aucun doute.