21 juin 2024
Conflits de gouvernance : la clause d’exclusion
« Toute stipulation de la clause d’exclusion ayant pour objet ou pour effet de priver l’associé dont l’exclusion est proposée de son droit de voter sur cette proposition est réputée non écrite », rappelle la Chambre commerciale de la Cour de cassation à propos d’une SAS, dans un arrêt du 29 mai 2024 (n°22-13.158).
L’associé est propriétaire de ses titres et ne peut être contraint de les céder, en l’absence d’une disposition expresse le prévoyant (Cass.Com. 12 mars 1996, n° 93-17.813).
A cet égard, la Cour de cassation (Cass. Com. 8 mars 2005, n°02-17.692 ; Cass. Com. 20 mars 2012, 11-10.855) a consacré la validité des clauses d’exclusion pour toutes les formes sociales.
Par conséquent, il est possible d’inscrire dans les statuts une clause ayant pour objet le retrait forcé d’un associé pour une ou plusieurs cause(s) déterminée(s) (article L.227-16 du Code de commerce, applicable aux SAS).
L’adoption d’une clause d’exclusion : la spécificité de la SAS ?
La clause d’exclusion peut être inscrite dans les statuts de la société dès sa constitution ou adoptée en cours de vie sociale.
Pour toutes les sociétés (SARL, SA, société civile, etc.) à l’exception de la SAS, l’insertion et la modification d’une clause d’exclusion en cours de vie sociale requiert l’accord de chacun des associés (article 1836, alinéa 2, du Code civil ; CA Paris 27 mars 2001, 00/12023 ; CA Paris 17 février 2015, 14/00358).
A défaut, la décision d’exclusion prise sur le fondement de la clause adoptée illicitement serait nulle.
Pour les SAS, depuis l’adoption de la loi SOILIHI du 19 juillet 2019, une partie de la doctrine estime que l’unanimité n’est plus requise et qu’il serait désormais possible d’insérer ou de modifier une clause d’exclusion par une décision prise collectivement, aux conditions de majorité prévues dans les statuts (Article L227-19, alinéa 2, du Code de commerce, modifié par la loi du 19 juillet 2019).
A notre connaissance, la Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur ce point, de sorte que, par prudence, il convient de retenir que l’introduction d’une clause statutaire d’exclusion ou même l’ajout d’un cas d’exclusion nécessite l’unanimité des associés, quelle que soit la forme de la société.
La mise en œuvre de la clause d’exclusion : protection des droits de l’associé sortant
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- Le droit de participer à la décision collective et de voter
Dans son arrêt du 29 mai 2024, la Cour de cassation rappelle un principe bien établi, applicable à toutes sociétés : les statuts ne peuvent interdire à l’associé dont l’exclusion est envisagée de voter sur cette proposition (article 1844, alinéa 1er, du Code civil ; Cass. Com. 23 octobre 2007, n°06-16.537).
Par conséquent, la clause statutaire d’exclusion interdisant à l’associé concerné de prendre part au vote est réputée non écrite et l’exclusion prononcée sur son fondement est nulle (Cass. Com. 6 mai 2014, n°13-14.960).
La société sera ainsi replacée dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant l’adoption de l’exclusion litigieuse.
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- Les formalités de l’exclusion
Les associés fixent librement les motifs de l’exclusion, à la condition qu’ils soient objectifs et précis, par exemple :
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- changement de contrôle d’un associé personne morale ;
- l’exercice par un associé d’une activité concurrente ;
- la perte de qualité de dirigeant ou de salarié de la société ;
- le prononcé d’une condamnation pénale pour telle cause préalablement définie.
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La clause statutaire doit préciser :
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- les modalités d’information préalable de l’associé concerné ;
- les conditions dans lesquelles l’associé concerné doit pouvoir s’exprimer sur les faits qui lui sont reprochés ;
- l’organe compétent pour décider de l’exclusion (infra).
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Elle doit également indiquer les modalités de calcul du prix de rachat des actions, le cas échéant par un expert dans les conditions prévues par l’article 1843-4 du Code civil.
Comment éviter que l’associé ne fasse obstacle à la décision d’exclusion ?
Pour éviter qu’un associé ne fasse obstacle à l’exclusion, il est à notre avis possible de prévoir qu’elle sera décidée autrement que par une décision collective.
La décision pourrait ainsi être adoptée par un organe de direction (dirigeant social, Conseil d’administration) ou de surveillance (Conseil de surveillance), un tiers arbitre ou une commission ad hoc.
Il est également envisageable que l’exclusion soit prononcée par une décision collective, tout en instituant un plafonnement des voix ou en prévoyant que chaque associé ne dispose que d’une seule voix, quelle que soit sa participation en capital.
Ces aménagements permettent d’empêcher l’associé dont l’exclusion est envisagée, s’il est majoritaire ou dispose d’une minorité de blocage, de faire obstacle à la décision.
Notre Cabinet est à votre disposition pour vous assister dans la rédaction des clauses d’exclusion, ainsi que dans le cadre des conflits de gouvernance auxquels votre entreprise pourrait être confrontée.
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Actualité – Exclusion d’un associé d’une SAS – l’intangibilité du droit de vote