20 mars 2020
Coronavirus – Confinement – Contrats, Comment modifier ses engagements ?
L’importance de l’épidémie due au Covid 19 conduit les gouvernements de plusieurs pays à prendre des mesures drastiques notamment de confinement pour limiter sa propagation.
Comme tout « traitement de choc » ces mesures, extrêmement efficaces pour sauver des vies, risquent d’avoir des effets secondaires économiques terribles pour des milliers d’entreprises privées de toutes ressources pendant cette période alors que leurs engagements financiers continuent de devoir s’appliquer.
Même si le gouvernement français a pris la mesure de ces conséquences et annoncé des aides pour tenter de les minimiser, tant qu’aucune mesure législative ou règlementaire ne sera votée de nombreuses entreprises vont devoir renégocier ou suspendre les effets de leurs contrats en cours.
Pour les aider deux notions juridiques peuvent être invoquées : l’imprévision (1) et la force majeure (2).
1/ l’imprévision prévue à l’article 1195 du code civil
Aux termes de ce texte :
« Si un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat rend l’exécution onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son contractants. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d’échec dans la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ».
Il s’agit d’une adaptation de la notion d’imprévision qui a été codifiée par l’ordonnance numéro 2016 – 131 du 10 février 2016.
Elle permet aux parties (ce qui est normal) et surtout au juge (ce qui est tout à fait nouveau) de renégocier un contrat dans certaines circonstances qualifiées « d’imprévisibles » qui nous paraissent transposables à celles que nous vivons actuellement.
Pour sa mise en œuvre ce texte impose trois conditions cumulatives :
-l’exigence d’un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat. Cela pourrait être le cas non seulement de la pandémie qui frappe le monde entier mais également et surtout des effets de cette dernière sur les contrats avec les demandes de confinement imposées par les gouvernements.
-cette circonstance imprévisible doit rendre l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie. Ce sera le cas par exemple des pénalités applicables suite à un défaut d’exécution (même si en cas de clause pénale l’article 1231-5 du code civil donne pouvoir au juge de les réviser) ou de d’impossibilité de régler une échéance.
-enfin ce texte s’applique à : « une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». Cela signifie que les parties pouvaient prévoir dans le cadre de la rédaction de leur contrat d’exclure la possibilité de renégociation prévue par l’article 1195 précité, d’où la nécessité de vérifier au cas par cas ce qu’il en est.
Si ces trois conditions sont remplies les parties devraient pouvoir renégocier leur contrat et même si la liberté contractuelle permet toujours de le faire, cet article donne surtout aux juridictions une très large possibilité d’appréciation allant jusqu’à la résolution du contrat « à la date et aux conditions qu’il (le juge) fixe ».
Si vous considérez vous trouvez dans cette situation nous vous proposons, pendant les mesures de confinement, une analyse de vos contrats au cas par cas de vos conventions.
2/ La force majeure prévue à l’article 1218 du Code civil
Cet article dispose :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie de la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1 du Code civil. »
Cet article, issu de la loi du 10 février 2016, a profondément revu la définition de la force majeure.
Auparavant, celle-ci devait remplir les trois conditions cumulatives suivantes : être extérieure, irrésistible et imprévisible.
Sous l’empire de l’ancienne version ce texte, la jurisprudence a eu l’occasion de se prononcer sur l’appréciation du caractère de force majeure dans des cas de maladies ou de pandémies, pour systématiquement en refuser l’application.
C’est ainsi que :
-le bacille de la peste n’a pas été considéré comme un événement de force majeure par la cour d’appel de Paris en 1998,
-le virus de la DENGUE, pas davantage, par la cour d’appel de Nancy en 2010,
-de même que l’épidémie de la grippe H1N1 par la cour d’appel de Besançon en 2014,
-ou encore le virus du chikungunya par celle de Basse-Terre en 2018.
À chaque fois c’est une appréciation des faits de l’espèce qui a conduit les juridictions à prendre de telles décisions, le motif principal étant que ces maladies avaient été largement annoncées ou n’étaient pas assez graves pour justifier la force majeure.
En application de la nouvelle rédaction de l’article 1 218 du code civil, la force majeure se comprend comme celle « qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat » et « échappant au contrôle du débiteur » avec « les effets (qui) ne peuvent être évités par des mesures appropriées ».
Dès lors qu’en sera-t-il du Covid 19 à l’aune de ce texte ?
La situation inédite ne tient pas tant à la pandémie elle-même qu’aux mesures prises par le gouvernement, et notamment à la mesure du confinement, qui paralyse l’activité économique, dont l’ampleur est exceptionnelle, rendant selon nous possible le recours à la notion de force majeure.
Nos équipes sont à votre disposition pour vous aider à surmonter les difficultés rencontrées en raison des mesures de confinement et des problèmes de trésorerie qui en résultent, et à vous accompagner dans la mise en oeuvre des dispositifs pour y faire face.