14 février 2019
Du nouveau dans la jurisprudence relative à l’exclusion des associés
La fin de l’année 2018 a été riche en jurisprudence dans le domaine de l’exclusion des associés.
Pour rappel, une clause d’exclusion permet d’évincer un associé de la société en le forçant à céder ses titres.
L’exclusion est perçue par la jurisprudence comme une sanction d’un comportement fautif d’un associé.
La procédure d’exclusion doit respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire, si bien que l’associé devra être entendu préalablement. Les statuts doivent désigner un organe compétent pour procéder à l’exclusion ainsi que la procédure à suivre.
D’une manière générale, la validité des clauses d’exclusion semble supposer qu’elles soient insérées dans les statuts sociaux.
Si un mécanisme équivalent de sortie forcée d’un associé devait être envisagé dans un acte extra-statutaires (pacte d’associés, par exemple), il est préférable d’opter pour une promesse de vente ou d’achat (ex : clause de good ou de bad leaver, clause de sortie tag along ou drag along), expressément validée par la jurisprudence depuis plusieurs années
Trois arrêts de la Cour de cassation ont été rendus en octobre et novembre 2018 à propos de l’application de la clause d’exclusion :
1) Validité d’une clause d’exclusion statutaire qui prévoit que les voix de l’associé exclu ne seront pas prises en compte pour le calcul de la majorité (Cass. Com. 24 2018, n°17-26.402)
Les statuts d’une société civile stipulent : « lorsque la société comprend au moins trois associés, l’assemblée générale, statuant à l’unanimité moins les voix de l’associé mis en cause peut, sur proposition d’un associé, exclure tout membre de la société » pour divers motifs énumérés.
Un associé demande l’annulation de son exclusion, prononcée par application de cette clause, dont il prétend qu’elle serait contraire aux dispositions impératives du code civil selon lesquelles, nonobstant toute disposition contraire des statuts, tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (articles 1844 et 1844-10 du code civil).
En effet, il résulte de l’article 1844 applicable tant aux sociétés civiles que commerciales, que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et que les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi.
La Cour de cassation rejette la demande de l’associé exclu au motif que la clause ne contrevient pas aux dispositions du code civil dans la mesure où l’associé exclu a été convoqué à l’assemblée et a pu prendre part au vote. Il importe peu que le vote de l’associé n’ait pas eu d’incidence sur l’issue de la décision d’exclusion laquelle s’est donc trouvée acquise en raison de l’unanimité des voix des autres associés qui y étaient favorables.
Cette solution qui se fonde sur les articles précités du code civil est applicable aux sociétés commerciales et aux sociétés civiles.
2) Limite au pouvoir du juge en cas de clause statutaire illicite (Cass. Com. 24 octobre 2018 n°15-27.911)
Une clause des statuts d’une société civile stipulait qu’un associé peut être exclu par l’assemblée générale « statuant à l’unanimité des voix moins celles de l’associé mis en cause ».
Menacé d’exclusion, un associé de cette société saisit le juge des référés pour être autorisé à prendre part à la décision de l’assemblée générale et demande que soit déclarée non valable toute décision prise sans sa participation qui aboutirait à son exclusion.
Le juge des référés valide la demande de l’associé en question en considérant qu’il y a lieu de prévenir un dommage imminent que risque de subir l’intéressé si une résolution est adoptée par l’assemblée générale en application de la clause. Le juge des référés désigne un mandataire ad hoc chargé de convoquer une assemblée, de veiller à ce que les votes exprimés par l’ensemble des associés soient pris en compte, y compris celui de l’associé concerné, et à ce que la décision soit prise à l’unanimité des associés.
Cette décision est cassée par la Cour de cassation pour le motif suivant : même pour prévenir un dommage imminent, il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés d’ordonner que l’assemblée générale des associés prenne ses décisions selon des modalités différentes de celles fixées par les statuts, seraient-elles illicites.
Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence antérieure qui avait d’ores et déjà estimé que le juge n’a pas le pouvoir de se substituer aux organes de la société en ordonnant la modification d’une clause des statuts (Cass. Com. 9 juillet 2013, n°12-21.238).
Par sa généralité, l’arrêt commenté a vocation à s’appliquer à l’ensemble des sociétés, civiles et commerciales.
3) L’exclusion d’un associé est abusive à défaut de motif grave (Cass. Com 14 novembre 2018, 16-24.532)
Les statuts d’une société civile à capital variable donnent à l’assemblée des associés le droit de décider l’exclusion d’un associé pour tout motif souverainement apprécié par elle. Pour permettre à un usufruitier de se retirer de la société, un associé participe à un retrait groupé d’associés, pour les parts qu’il détient en nue-propriété. Il conserve les parts qu’il détient en pleine propriété.
L’assemblée des associés estime néanmoins que sa participation, même partielle, à ce retrait groupé est un signe de défiance et rend impossible son maintien dans la société. Elle prononce son exclusion.