18 décembre 2017
Justice et média
Les incidents qui ont conduit à l’ajournement du procès de Georges Tron illustrent notamment les difficultés auxquelles notre justice est confrontée dans les affaires auxquelles les médias s’intéressent. Il n’est évidemment pas question d’interdire à la presse de faire son métier mais de savoir en quoi consiste ce métier. Le rôle de la presse en matière de justice est de relater, de commenter, d’informer, pas d’instruire et encore moins de juger. Que la presse enquête en amont de la justice relève de la démocratie, mais qu’elle empiète sur la justice alors qu’elle est saisie, relève d’une forme de dictature, parce qu’elle n’est soumise à aucune des règles qui s’imposent à la justice et sans lesquelles il n’y a pas de justice.
Il n’y a pas si longtemps, aucune chaine de télévision se serait crue autorisée à consacrer une émission de grande écoute à une affaire judiciaire pendant le déroulement du procès. C’est ce qui s’est passé il y a quelques jours, quand, en plein procès de Georges Tron, une émission du service public a donné la parole à une partie civile et même à un témoin appelé à déposer le lendemain à la barre de la cour d’assises. Pour bien comprendre le problème, il faut savoir que même dans l’enceinte d’une cour d’assises, il est interdit, au risque d’encourir la cassation, de faire état de la déposition d’un témoin avant qu’il ait été entendu. Que l’on aime ou pas Georges Tron et son défenseur, celui-ci a eu pleinement raison de dénoncer pareille atteinte aux droits de la défense et à la présomption d’innocence.
Dans un Etat de droit, la justice se rend dans les prétoires, pas à la télévision et sur les réseaux sociaux, les enquêtes sont conduites par des services de police ou de gendarmerie, pas par des « spécialistes police-justice » de chaines de télévision en continu, les instructions sont menées par des juges d’instruction, sous le contrôle des chambres de l’instruction, pas par l’opinion publique. Ou alors confions la justice au CSA et brulons le code de procédure pénale !
Nos concitoyens auraient tort de penser que ces règles ont été édictées pour les voyous et pour les criminels. Nul n’est à l’abri. Il en va de la justice comme de la santé, on croit que « ça n’arrive qu’aux autres », mais on se trompe. Et quand ça vous tombe dessus vous comprenez combien les règles protectrices des libertés individuelles sont importantes et combien la révolte de l’avocat est nécessaire.