23 avril 2019
Les contribuables au secours de Notre Dame de Paris : quelle fiscalité applicable ?
Un élan de générosité hors du commun s’est emparé des contribuables, en France comme à l’étranger, suite à l’incendie qui a partiellement détruit la Cathédrale Notre-Dame de Paris.
Au-delà des dons très médiatisés effectués par des mécènes fortunés, tout(e) entreprise ou particulier peut participer à la reconstruction de l’édifice. Loin du faux débat sur le caractère intéressé de certains donateurs qui n’y verraient qu’une opportunité de défiscaliser, il nous paraît important de rappeler que la fiscalité attractive des dons peut aussi permettre aux contribuables d’augmenter leur montant sans pour autant les détourner de leur vocation première ; rappelons également que les avantages fiscaux ne seront déclarés et effectifs qu’en 2020 et qu’ils nécessiteront donc un effort de trésorerie de la part du contribuable.
Nous vous proposons ci-après un tour d’horizon de la fiscalité applicable aux dons aux œuvres et autres organismes d’intérêt général.
Dons réalisés par les personnes physiques
Les personnes physiques domiciliées en France au sens de l’article 4 B du CGI peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 66% du montant des dons qu’elles effectuent notamment auprès de certaines fondations reconnues d’utilité publique[1], dans la limite de 20% de leur revenu imposable de l’année. L’excédent éventuel peut être reporté sur les cinq années suivantes. Par ailleurs, selon le Premier Ministre, la réduction d’impôt sera spécialement majorée à 75%, dans la limite de 1.000 euros, pour les versements réalisés au profit de la Cathédrale ; cette mesure serait incluse dans le projet de loi devant donner un cadre légal à la « souscription nationale » voulue par le Président Macron.
Cette réduction d’impôt est subordonnée à la production par les donateurs, à la demande de l’administration fiscale, des reçus conformes au modèle établi par celle-ci et délivrés par les organismes bénéficiaires. Par ailleurs, les versements doivent traduire une réelle intention libérale (absence de toute contrepartie pour le donateur, ce qui devrait bien être le cas s’agissant des sommes versées pour la reconstruction de la Cathédrale).
Les contribuables qui relèvent de l’IFI bénéficient en outre de la réduction « IFI-dons »[2]. Cette réduction, égale à 75% du montant du don dans la limite de 50.000 euros par an, n’est toutefois pas cumulable avec la réduction d’impôt sur le revenu visée ci-dessus et il convient donc pour le contribuable d’affecter les sommes versées entre les deux impôts ou à un seul d’entre eux s’il y a intérêt compte tenu des plafonds applicables et de sa propre situation fiscale. Pour en bénéficier, il conviendra d’effectuer les versements auprès des fondations mentionnées ci-dessous, la « souscription nationale » n’ouvrant pas droit à la réduction « IFI-dons » en l’état actuel des textes existants.
Dons réalisés par les entreprises et sociétés relevant de l’impôt sur le revenu
Les entreprises industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou non commerciales soumises à l’impôt sur le revenu (entreprises individuelles ou sociétés de personnes visées à l’article 8 du CGI), peuvent également bénéficier de la réduction d’impôt[3]. Elles peuvent néanmoins aussi choisir de bénéficier de la réduction prévue dans le cadre du mécénat d’entreprise[4].
Dons réalisés par les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés
Les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés peuvent bénéficier de la réduction d’impôt dans le cadre du mécénat d’entreprise susvisé. Comme pour les dons réalisés par les particuliers, l’intention libérale de la société ne doit pas pouvoir être contestée.
Cette réduction est égale à 60% du montant des dons pris dans la limite d’un plafond annuel fixé à 10.000 euros ou 5 pour 1.000 du chiffre d’affaires hors taxes s’il est plus élevé[5].
L’excédent éventuel peut également être reporté successivement sur les cinq exercices suivants, dans les mêmes conditions, et uniquement après prise en compte des versements de l’exercice considéré.
La réduction d’impôt est imputée sur le solde d’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice du versement (en cas d’excédent, celui-ci peut être utilisé pour payer les acomptes ou soldes d’impôt sur les sociétés des cinq exercices suivants).
D’un point de vue formel, la réduction est, comme pour les dons des particuliers, subordonnée à la production de reçus conformes au modèle de l’administration, à la demande de celle-ci. Par ailleurs, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, une déclaration spéciale doit être faite par toute entreprise dont le montant des dons de l’exercice excède 10.000 euros[6]
Organismes bénéficiaires des dons pour la reconstruction de Notre Dame de Paris
Au cas particulier, les dons peuvent être faits dans le cadre de la souscription nationale voulue par Emmanuel Macron (« Rebâtir Notre-Dame de Paris ») et lancée par le Centre des Monuments Nationaux ou des collectes organisées par la Fondation Notre-Dame (« Participez à la restauration de la cathédrale Notre-Dame »), la Fondation du Patrimoine (« Sauvons Notre-Dame de Paris ») et la Fondation de France (« Reconstruisons Notre-Dame de Paris »). Comme indiqué ci-dessus il conviendra de réserver les dons IFI uniquement à ces dernières fondations.
Les versements peuvent également être faits auprès de sites en ligne mais dans ce cas, en l’état actuel de la législation et des modalités d’inscription, ceux-ci n’ouvriront pas droit à une fiscalité avantageuse ; en effet, même si la remise des fonds à l’œuvre ou à l’organisme bénéficiaire n’est pas une condition sine qua non pour bénéficier de la réduction d’impôt (les dons pouvant être collectés via un organisme idoine), il est probable que les donateurs ne seront pas nominativement identifiés et qu’ils ne pourront donc recevoir les reçus obligatoires de la part des organismes bénéficiaires concernés.
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Si « Le temps est l’architecte, le peuple est le maçon »[7], alors voyons l’attractivité fiscale du don comme un outil à la disposition du contribuable en vue d’accélérer la reconstruction d’un monument majeur de notre patrimoine.
[2] Prévue par l’article 978 du CGI
[3] Prévue par l’article 200, 1-a susvisé
[5] Plafonds applicables aux versements effectués au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2019 – Loi de finances pour 2019 n°2018-1317 du 28 décembre 2018
[6] Article 238 bis modifié par la loi de finances susvisée
[7] Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831), III, 1