8 mars 2018
Réforme du droit des contrats – Modification du projet de loi de ratification par l’Assemblée Nationale
Le droit des contrats reposant jusqu’à présent sur des dispositions du Code civil qui étaient en vigueur depuis 1804, une réforme du droit des contrats était plus que nécessaire.
Une ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a ainsi été prise par le Gouvernement le 10 février 2016 (Ordonnance n°2016-131), en application de l’article 8 de la loi n°2015-177 du 17 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures.
Cette réforme étant dans l’attente de sa ratification depuis plus d’un an, le Gouvernement a déposé, le 9 juin 2017, un projet de loi de ratification auprès du Sénat.
Force est de constater que ce projet de loi ne se contente pas de ratifier les termes de l’ordonnance mais y apporte des modifications substantielles, telles que sur la définition du contrat d’adhésion, la condition stipulée à son profit exclusif ou encore l’application de cette réforme dans le temps (cf billet de blog de C.Clavaud, Réforme du droit des contrats- adoption du projet de loi de ratification par le Sénat « une réforme de la réforme).
Après avoir été adopté en première lecture par le Sénat, le projet de loi de ratification vient lui-même d’être modifié par l’Assemblée Nationale.
Alors que le Sénat avait pris le soin d’indiquer un délai précis et de supprimer la notion de « délai raisonnable » que l’on retrouvait aussi bien pour l’action interrogatoire du pacte de préférence (article 1123 du code civil) que dans le cadre de la demande de confirmation des pouvoirs du représentant (article 1158 du code civil), l’Assemblée Nationale considère de manière surprenante qu’il serait préférable de laisser cette notion pourtant floue et génératrice de contentieux plutôt que d’indiquer un quelconque délai.
Dans le même sens, l’Assemblée Nationale ne souhaite pas préciser la notion d’ «attentes légitimes des parties » relative à la qualité de la prestation attendue par son cocontractant.
S’agissant de l’application de la réforme dans le temps, l’Assemblée Nationale souhaite également revenir aux termes de l’ordonnance et supprimer la précision apportée par le Sénat « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public » qui visait à contrer la jurisprudence de la Cour de cassation tendant à appliquer la réforme aux contrats en cours.
L’Assemblée Nationale ne souhaite pas non plus suivre les préconisations du Sénat sur la modification de la notion de contrat d’adhésion et de l’actuel article 1171 du code civil.
Concernant le pouvoir du juge de réviser le contrat, l’Assemblée Nationale maintient les termes de l’ordonnance et ne le limite pas à la seule résolution du contrat, contrairement à l’avis du Sénat.
A l’inverse, l’Assemblée Nationale supprime la possibilité pour tout créancier de réduire le prix s’il considère que son cocontractant n’a pas totalement exécuté le contrat.
La modification unilatérale du contrat ne serait ainsi possible que par le juge.
Également dans un souci de sécurité juridique, en cas de cession de contrat, l’Assemblée Nationale précise que les sûretés données par le cédant disparaissent automatiquement par l’effet de la cession.
Enfin, de manière contradictoire, l’Assemblée Nationale souhaite suivre la jurisprudence relative à la notion de réticence dolosive, qui l’applique en cas de manquement à une obligation générale d’information, le Sénat l’ayant cantonné à l’obligation légale d’information, mais s’écarte de la jurisprudence en matière de caducité du contrat, le décès du destinataire d’une offre étant alors exclu par l’Assemblée Nationale comme cause de caducité du contrat.
Tels sont les principaux points restants en suspens et devant être tranchés par une commission mixte paritaire composée de députés et de sénateurs.
Le nouveau régime du droit des contrats semble donc loin d’être arrêté.
Force est de constater que ce n’est d’ailleurs que le 1er octobre 2018 que cette loi de ratification devrait in fine entrer en vigueur, soit deux ans après la réforme.