26 novembre 2018
TAITTINGER: NOUVEL EXEMPLE D’USAGE D’UNE MARQUE RENOMMEE DE NOM PATRONYMIQUE
La jurisprudence abonde pour statuer sur les problématiques de l’usage d’un nom patronymique déposé à titre de marque par une société ou un intéressé, et qui interdirait par là-même l’utilisation de ce patronyme pour les autres membres de la famille.
Les marques « Sonia Rykiel » ou « Alain Delon » avaient déjà illustré ce principe, mais l’article 5,2 des Directives 2008/05 CE du 22 octobre 2008 (ancienne Directive 89/64 CE du 21 décembre 1999) a offert la possibilité de se prévaloir dans cette hypothèse de l’exception de « juste motif d’utiliser la marque ».
Elle correspond également en cela à l’exception prévue au « a) » de l’article L.713-6 du Code de la Propriété Intellectuelle, qui permet l’utilisation d’un nom patronymique par un tiers de bonne foi, sans rentrer dans l’analyse de la marque renommée.
La Cour de Cassation vient de se prononcer dans une espèce dans laquelle un des membres de la famille Taittinger avait déposé la marque « Virginie T » pour désigner un nouveau champagne.
Jusque-là, pas de difficulté et, nonobstant la cession par la famille Taittinger de ses parts dans la société du groupe familial qui était propriétaire de la célèbre marque de champagne éponyme, ce dépôt était parfaitement valable.
En revanche, cette personne a ensuite créé un site Internet et réservé dans un premier temps le nom de domaine « www.virginie-t.com » pour l’héberger, ce qui là-encore ne présentait pas de difficulté, mais a déposé dans un second temps des noms de domaine comportant la dénomination « Taittinger » comme par exemple : « www.virginie-taittinger.com » et « www.virginie-taittinger-champagne.com », lesquels redirigeaient les internautes vers le site hébergé à l’adresse www.virginie-t.com.
Il s’en est donc suivie une procédure dans laquelle la société propriétaire de la marque « Taittinger » avait assigné Virginie Taittinger sur divers fondements, dont notamment l’atteinte à la renommée de la marque « Taittinger » (1) et le parasitisme (2).
1) S’agissant de l’atteinte à la renommée, la Cour d’Appel avait donné raison à Virginie Taittinger en considérant qu’elle ne tirait indument aucun profit de la renommée de ladite marque, ni ne portait préjudice à ses valeurs distinctives ou sa renommée en rappelant simplement son origine familiale.
La Cour de Cassation (Cass.com 10/07/2018 n°16-23649) a censuré ce raisonnement, en considérant qu’il appartenait au tiers ayant fait usage d’un signe similaire à la marque renommée d’établir que l’usage d’un tel signe était fait pour un juste motif et que l’appréciation du profit indument tiré de la renommée de la marque ne devrait pas rentrer en ligne de compte dans l’existence du juste motif.
Dans la mesure où il n’existe aucune définition du motif légitime ou du juste motif et très peu de jurisprudence à ce sujet, cet arrêt mérite d’être souligné.
Il est d’autant plus important qu’en matière viticole, la cession des branches familiales et les homonymies sont extrêmement courantes et toujours sujettes à un abondant contentieux.
2) Un deuxième fondement avait été visé, concernait le reproche par le titulaire de la marque d’actes de parasitisme.
La Cour d’Appel de Paris avait également rejeté cette demande au motif qu’il n’était pas démontré en quoi l’adoption d’une dénomination sociale et d’un nom commercial en tant que tels, porterait atteinte à elle seule aux efforts et aux investissements notamment promotionnels qui auraient été faits par la société.
Ici encore, la Cour Suprême censure cette décision, en considérant que les Juges du fond auraient dû prendre en considération le prestige et la notoriété acquises par la dénomination sociale et le nom commercial de la société cédée.
Elle confirme logiquement sa jurisprudence déjà rendue dans le même sens.