30 septembre 2019
Une décision importante en matière de responsabilité pénale du dirigeant d’une compagnie aérienne
Au terme d’un très (trop) long parcours judiciaire (onze ans d’instruction, sept juges d’instruction successifs !), le tribunal correctionnel de Paris a rendu, le 3 septembre 2019, une décision importante en matière de sécurité aérienne, déclarant Monsieur Udom Tantiprasongchai, Président de la compagnie thaïlandaise Orient Thaï, coupable d’homicides et de blessures involontaires à la suite du crash survenu le 16 septembre 2007 sur l’aéroport de Phuket et dans lequel neuf ressortissants français avaient péri et un autre grièvement blessé.
Une peine de quatre ans d’emprisonnement ferme assortie d’un mandat d’arrêt a été prononcé à son encontre, ainsi qu’une amende de 75.000 €, conformément aux réquisitions du Ministère Public.
La tenue de cette audience était en soi une victoire tant l’Association des familles des victimes du crash de Phuket constituée partie civile et assistée par le cabinet Jakubowicz, Mallet-Guy & Associés a dû lutter durant des années contre l’inertie de certains des juges d’instruction initialement saisis, le refus de coopération des autorités thaïlandaises et les problématiques juridiques et techniques posées par l’accident.
Si l’intéressé n’était pas présent lors des débats, ayant toujours refusé de déférer aux convocations des juges d’instruction et du tribunal, les deux jours d’audience ont permis d’éclairer les conditions dans lesquelles les pilotes de cette compagnie et de sa filiale Low Cost One-to-Go Airlines, étaient « invités », moyennant la remise d’enveloppes d’espèces, à dépasser les temps de vols autorisés et à réduire les temps de repos en-deçà des limites acceptables.
Les investigations ont également permis d’établir qu’il s’agissait là d’une véritable politique d’entreprise, encouragée au plus haut niveau et que l’équipe dirigeante avait tenté de dissimuler, au cours de l’enquête effectuée par l’aviation civile thaïlandaise, par la falsification des registres de vol.
Appliquée en l’espèce, cette politique avait directement participé à accroitre la fatigue et le stress des pilote et copilote et à leur faire prendre des décisions inadaptées lors de l’atterrissage de l’appareil, contribuant ainsi à la survenance de l’accident.
« L’impératif économique l’a manifestement emporté sur celui de la sécurité » conclut le tribunal dans une formule qui dit tant des mentalités qui trop souvent guident encore les acteurs économiques du transport aérien dans les choix stratégiques qu’ils font.
Première décision rendue sous l’égide du Pôle accidents collectifs, ce jugement a valeur d’exemple tant il rappelle qu’au-delà du temps passé et des difficultés liées à la coopération (ou à l’absence de coopération) internationale, les constructeurs et compagnies aériennes ainsi que leurs dirigeants, y compris étrangers, ne doivent pas se considérer hors d’atteinte des juridictions pénales nationales.
Le Cabinet Jakubowicz, Mallet-Guy & Associés représenté par Maîtres Alain Jakubowicz et Alexandre Plantevin est heureux d’avoir contribué à la tenue de ce procès et à son aboutissement, aux côtés des familles et proches des victimes.