22 janvier 2018
Ventes sur Internet : il est désormais possible d’interdire aux distributeurs agréés de vendre par l’intermédiaire de market places
Il est acquis que les fabricants de produits de luxe ou de grande qualité ne peuvent interdire à leurs distributeurs agréés de vendre lesdits produits en ligne. Les clauses interdisant de facto internet comme mode de commercialisation des produits sont jugées illicites au regard du droit de la concurrence.
La question se posait encore de savoir si ces mêmes distributeurs pouvaient recourir à des places de marché ou market places pour vendre les produits de la marque.
La logique tendant à privilégier la concurrence et la baisse des prix, dans l’intérêt nous dit-on du consommateur, conduisait de nombreux juristes à considérer que cette interdiction de vendre par l’intermédiaire de tiers était tout aussi illicite.
Une décision de l’Autorité de la concurrence de 2014 relevait ainsi que « tous les contrats de distribution sélective de Samsung [contenaient] une clause d’interdiction générale des ventes sur les sites internet non agréés et/ou sur tout site tiers, notamment de market places » et qu’il n’était dès lors pas exclu que cela « puisse révéler des indices de restrictions verticales sur les ventes actives et passives des détaillants » (Décision n° 14-D-07 du 23 juillet 2014 relative à des pratiques mises en œuvre par la société Samsung Electronics France).
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 2 février 2016 avait également affirmé que « l’interdiction de principe contenue dans les contrats de distribution de recourir à des plateformes en ligne pour vendre les produits d’un producteur est susceptible de constituer une restriction de concurrence caractérisée » (CA Paris, 2 février 2016, n°15/01542).
Si cette dernière décision avait déjà été censurée par la Cour de cassation (Cass., com., 13 septembre 2017, n°16-15067), la Cour de Justice de l’Union européenne, dans un arrêt du 6 décembre 2017 (n°C‑230/16), vient confirmer qu’une telle interdiction peut être licite et en précise les motifs :
« L’interdiction [de recourir aux market places] permet au fournisseur de produits de luxe de contrôler que ses produits seront vendus en ligne dans un environnement qui correspond aux conditions qualitatives qu’il a convenues avec ses distributeurs agréés. En effet, le non-respect par un distributeur des conditions de qualité fixées par le fournisseur permet à celui-ci de se retourner contre ce distributeur, sur le fondement du lien contractuel existant entre ces deux parties. L’absence de relation contractuelle entre le fournisseur et les plateformes tierces fait toutefois obstacle à ce que celui-ci puisse, sur un tel fondement, exiger de ces plateformes le respect des conditions de qualité qu’il a imposées à ses distributeurs agréés. ».
Ce raisonnement qualitatif nous parait devoir être salué.
La Cour valide ainsi la clause interdisant aux distributeurs agréés de recourir aux market places pour les produits de luxe, mais ce raisonnement peut en principe être transposé à d’autres produits vendus dans le cadre de réseaux de distribution sélective. Le luxe n’est-il pas qu’une question de prix ?