17 septembre 2018
Vers l’instauration d’un cadre juridique pour les ICO en France
Face au constat du succès de cette nouvelle forme de levée de fonds (environ une quarantaine d’opérations recensées en France en 2017), le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (projet de loi PACTE) propose de définir un cadre juridique aux Initial Coin Offerings (« ICO ») afin de sécuriser ces opérations et de protéger les investisseurs.
L’ICO est une méthode de levée de fonds reposant sur l’émission de jetons numériques (les « tokens ») via un dispositif d’enregistrement partagé (comme la blockchain). Contrairement à une levée de fonds classique, les investisseurs ne souscrivent aucun titre de capital de la société émettrice.
A ce jour l’ICO ne rentre dans aucun cadre juridique dans la mesure où les jetons ne peuvent être assimilés à des titres financiers, strictement définis par l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier comme étant :
« 1. Les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
2. Les titres de créance ;
3. Les parts ou actions d’organismes de placement collectif. »
Or, dans le cadre d’une ICO, les jetons sont le plus souvent acquis pour diverses finalités : bénéficier des services et/ou des produits de l’émetteur, bénéficier de droits de vote ou de gouvernance, bénéficier de droits financiers, etc.
Le projet de loi PACTE propose de définir le jeton comme étant « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ».
Dans le cadre d’une offre au public de jetons (sont donc exclues les offres non publiques, à savoir les offres de jetons dont la souscription est ouverte à un nombre limité de personnes agissant pour compte propre), le projet de loi propose de donner la possibilité aux émetteurs de jetons de soumettre leur projet d’offre au visa de l’Autorité des Marchés Financiers (« AMF »).
Pour obtenir un tel visa, l’émetteur devra établir un document d’information destiné à donner toute information utile au public sur l’offre proposée et sur l’émetteur. Ce document d’information ainsi que toutes communications à caractère promotionnel relatives à l’offre au public devront présenter un contenu exact, clair et non trompeur et permettre de comprendre les risques afférents à l’offre.
L’AMF aura pour mission de vérifier si l’offre envisagée présente les garanties exigées d’une offre destinée au public et notamment que l’émetteur des jetons :
– est constitué sous la forme d’une personne morale établie ou immatriculée en France ; et
– met en place tout moyen permettant le suivi et la sauvegarde des actifs recueillis dans le cadre de l’offre (notamment par le biais de séquestres).
Elle pourra retirer son visa et/ou ordonner qu’il soit mis fin à toute nouvelle souscription ou émission, ainsi qu’à toute communication à caractère promotionnel concernant l’offre, si elle constate que l’offre proposée au public n’est plus conforme au contenu du document d’information ou ne présente plus les garanties précitées.
Le projet de loi retient non pas une obligation mais une simple possibilité pour l’émetteur de soumettre l’offre au visa de l’AMF. Les émetteurs ainsi « visés » seront inscrits sur une liste blanche publiée par l’AMF, gage de respectabilité auprès des souscripteurs.
A noter également qu’une réglementation est en cours d’étude au niveau européen afin de créer un cadre juridique commun.
Au-delà du cadre juridique, se pose toujours la question du traitement comptable et fiscal des ICO, qui n’est pas abordé par la loi PACTE. Des travaux sont en cours au sein de l’Autorité des Normes Comptables (« ANC ») afin de permettre de clarifier le traitement comptable des ICO et, dès lors, le traitement fiscal applicable.