Plainte pour fraude fiscale déposée en Espagne contre une entreprise française : un exemple de mise en œuvre de la procédure de décision d’enquête européenne
Introduction
Nous avons accompagné notre client, une PME française spécialisée dans le commerce de gros, dans le cadre d’une décision d’enquête européenne dont elle faisait l’objet par suite du dépôt d’une plainte pour fraude fiscale par les autorités fiscales espagnoles.
Pour qui ?
Notre client intervient dans le commerce de gros de matériels en « BtoB » ; celui-ci était mis en cause dans le cadre d’une plainte déposée au pénal en Espagne, en lien avec son client espagnol.
Pour quoi ?
Notre client faisait l’objet d’une « décision d’enquête européenne » émise par le Tribunal d’instrucción de Bilbao en Espagne.
Cette décision était émise au titre du délit de blanchiment des produits du crime en Espagne. Les mesures d’enquête à exécuter en France dans le cadre de cette décision visaient à :
- informer la société française de la plainte dont elle faisait l’objet en Espagne : il lui était ainsi reproché d’avoir poursuivi ses opérations de ventes de marchandises à son client espagnol alors que celui-ci avait été radié du registre des opérateurs intracommunautaires en Espagne à compter du 7/11/2016, participant ainsi à un système de fraude à la TVA en Espagne (le client aurait ainsi indument bénéficier d’un régime d’exonération de TVA en Espagne alors qu’il ne pouvait y prétendre en raison de sa radiation et la société française aurait volontairement participé à ce schéma de fraude à la TVA dite « fraude Carrousel »),
- prendre sa déposition par le Tribunal d’instruction de Bilbao,
- demander à la société de verser aux débats la facturation émise par ses soins à la société espagnole au cours des années 2015 à 2017.
Comme ça
Dans un premier temps, le cabinet s’est constitué avocat auprès du tribunal d’Instrucción. Nous avons demandé que notre client soit auditionné en France plutôt qu’à Bilbao. L’audition s’est donc tenue en visioconférence, dans les locaux du Tribunal judiciaire de Toulouse, en présence des parties et d’un traducteur assermenté nommé par le Tribunal d’instrucción.
Lors de cette audition, notre défense a consisté à faire valoir que la fraude nécessitait qu’il soit démontré que notre client ne pouvait pas ne pas savoir que le destinataire n’avait plus d’activité réelle en Espagne ; qu’au cas présent, le délit n’était pas constitué, faute d’élément intentionnel.
Nous avons notamment pointé une contradiction au niveau des dates : l’administration prétendait en effet que le numéro NIF-IVA/ROI (numéro d’identification à la TVA intracommunautaire) avait fait l’objet d’un retrait en date du 7/11/2016, alors que notre client disposait de son côté d’une déclaration de radiation « Modèle 036 » datée du 16/02/2018 (date à partir de laquelle le compte de ce client n’avait d’ailleurs plus été mouvementé dans les comptes de la société française) ; nous avons également démontré que la société espagnole venait chercher la marchandise au dépôt en France, qu’elle remettait à cette occasion à notre client une attestation de transport mentionnant le numéro supposé radié, et que les CMR (lettres de voitures internationales) étaient dûment souscrites : qu’en conséquence, notre client avait pris les précautions nécessaires et qu’il n’avait ensuite plus aucune responsabilité sur les agissements de son client, ni-même aucune possibilité de connaitre le sort des marchandises ainsi vendues. L’administration mentionnait, en outre, une sous déclaration de la TVA collectée par le client espagnol au titre de l’année 2015, démontrant ainsi que le schéma de fraude présumé existait alors même que le numéro NIF était pourtant encore valable : que ce n’était donc pas notre client qui avait permis la fraude présumée ; enfin, les croisements entre la base VIES et les déclarations n°349 au titre de la période 2015-2017 montraient que la société espagnole avait déclaré seulement 6% du chiffre d’affaires que notre client avait lui-même déclaré au titre des ventes effectuées auprès de cette société. Cette différence montrait que notre client n’avait donc pas connaissance d’une éventuelle fraude fiscale puisqu’il avait déclaré en toute bonne foi l’intégralité du chiffre d’affaires réalisé avec la société espagnole.
Par une décision du 18 octobre 2022, le tribunal nous a donné raison, étant jugé « qu’il n’y a aucune preuve de participation à l’infraction présumée de la part de [société française]. Cette participation était initialement fondée – dans la plainte – sur le fait d’avoir permis la relation avec [société espagnole] après que cette dernière ait été radiée du registre des opérations intracommunautaires, de sorte que la société française aurait coopéré avec cette société sachant qu’elle effectuait des opérations légalement interdites. Cependant, il n’existe pas de preuves suffisantes pour justifier que la société française (ou ses responsables) était au courant de cette circonstance (à savoir la radiation du registre le 7 Novembre 2016), celle-ci ne lui ayant été formellement communiquée qu’en 2018, date à laquelle le représentant de la société s’est référé dans sa déclaration au tribunal. »
Notre client ne sera donc pas poursuivi en Espagne !
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