Responsabilité de l’expert-comptable en cas de redressement fiscal – Restitution des honoraires perçus
Introduction
Nous avons obtenu du Tribunal de commerce la restitution des honoraires perçus par l’expert-comptable d’une SCI et de sa gérante suite aux redressements fiscaux qu’elles avaient toutes deux subis.
Pour qui ?
Une société civile immobilière (« SCI ») louant différents biens immobiliers et sa gérante.
Pour quoi ?
Lors de la création de la SCI en 2006, la gérante a fait appel à une société d’expertise-comptable afin qu’elle établisse notamment ses comptes sociaux.
Une lettre de mission ne sera signée qu’en 2013 avec la SCI. Aucune lettre de mission ne sera jamais signée avec la gérante à titre personnel.
En complément de la mission de présentation des comptes sociaux, la société d’expertise-comptable a été investie de plusieurs missions d’assistance, aussi bien en matière fiscale qu’en matière sociale ou encore juridique.
En 2013, la SCI a fait l’objet d’une vérification de comptabilité par l’administration fiscale portant sur les exercices clos 2010 et 2011, qui donnera lieu à une proposition de rectification aussi bien pour la SCI que pour sa gérante.
Malgré les négociations et demandes de remise gracieuse faites auprès de l’administration fiscale, la SCI a reçu un avis de mise en recouvrement portant sur de la TVA et de l’IS, auxquels se sont ajoutées des pénalités ainsi qu’une amende.
La gérante a également reçu un avis de mise en recouvrement portant sur l’ensemble de son revenu imposable, auquel se sont ajoutées des majorations et pénalités de retard.
En 2015, la SCI a fait l’objet d’un rappel de cotisations et majorations de retard par l’URSSAF pour les années 2010 à 2013.
Puis en 2017, la SCI a reçu trois lettres de relance concernant l’imposition complémentaire de CFE pour les années 2013 à 2015, comportant de nouveau une majoration.
Comme ça
Dans la mesure où elle se reposait entièrement sur la société d’expertise-comptable aussi bien pour la comptabilité de la société que pour sa comptabilité personnelle, la gérante de la SCI l’a assignée en responsabilité pour obtenir réparation de l’ensemble des préjudices subis (par elle-même et par la SCI) suite aux redressements fiscaux.
La société d’expertise-comptable a tout d’abord prétendu que l’action introduite à son encontre était prescrite, la lettre de mission prévoyant une prescription réduite de 3 ans.
La société d’expertise-comptable a ensuite argué du fait qu’elle n’était liée à la gérante par aucune convention et que sa responsabilité ne pouvait donc être engagée.
La société d’expertise-comptable a également tenté de limiter son obligation à l’égard de la SCI à une simple obligation de moyen et non à une obligation de résultat.
À titre reconventionnel, elle a sollicité le règlement des honoraires restant dus par la SCI.
Après avoir rappelé que le point de départ du délai de prescription était la date des avis de mise en recouvrement, le Tribunal a écarté l’application de la lettre de mission qui n’avait été signée qu’en 2013 et qui n’était pas applicable aux exercices sociaux antérieurs.
Dans son jugement, le Tribunal a par ailleurs rappelé dans un attendu de principe que :
« il est constant que le rôle de l’expert-comptable ne saurait se limiter à enregistrer les écritures telles qu’elles lui sont proposées par son client ; qu’il lui appartient de vérifier que les opérations comptables qui retracent ces écritures sont bien appuyées par des pièces justificatives et au niveau de chaque compte de vérifier la vraisemblance de ses composantes ainsi que celles de son solde »
Et considéré qu’en l’espèce la responsabilité de la société d’expertise-comptable était « pleinement engagée du fait des anomalies constatées lors du contrôle par l’administration fiscale » à l’égard de la SCI.
Le Tribunal a également considéré que, même en l’absence de convention entre la société d’expertise-comptable et la gérante, « c’[était] bien ces mêmes anomalies qui [étaient] à l’origine du redressement effectué sur les éléments personnels de [cette dernière] », de sorte que sa responsabilité était également engagée à son égard.
Afin de réparer le préjudice subi par la SCI et sa gérante, le Tribunal a condamné la société d’expertise-comptable à restituer la quasi-totalité des honoraires qu’elle avait perçus et rejeté sa demande reconventionnelle en paiement des honoraires non réglés.