Révocation sans juste motif d’un dirigeant de société commerciale
Introduction
Nous avons récemment obtenu la condamnation en appel d’une importante société à indemniser à concurrence de la somme de 500.000 € son ancien dirigeant.
Pour qui ?
Notre client était membre et président du directoire d’une société anonyme à directoire et conseil de surveillance depuis plus de dix ans, lorsqu’il a été révoqué de ses mandats sociaux, puis aussitôt licencié de ses fonctions salariées.
Pour quoi ?
La société avait accepté d’indemniser notre client des conséquences de son licenciement dans le cadre d’une transaction, mais refusait de l’indemniser au titre de sa double révocation.
Notre client ne contestait pas que son mandat de président du Directoire était révocable « ad nutum », c’est-à-dire « sur un simple signe de tête ».
En revanche, il contestait sa révocation en qualité de membre du Directoire laquelle, conformément à l’article L. 225-61 alinéa 1er du Code de commerce, doit être décidée sur un « juste motif », à peine de dommages et intérêts.
Comme ça
En première instance, notre client avait été débouté, le tribunal ayant curieusement considéré qu’« il apparaît difficile pour un salarié qui a été licencié et dont le licenciement a fait l’objet d’un accord transactionnel…, d’être maintenu à la direction de ladite société ».
La juridiction d’appel a infirmé le jugement, en rappelant tout d’abord qu’un accord transactionnel régissant les conséquences de la rupture d’un contrat de travail a un objet distinct des conséquences de la révocation d’un mandat social et ne peut donc à lui seul caractériser un juste motif de révocation.
Après une analyse approfondie des pièces en présence, la Cour a considéré que les motifs allégués de révocation ne font état d’aucun élément factuel ou d’un quelconque fait objectif vérifiable susceptible de démontrer le moindre manquement ou une éventuelle incompétence de ce dernier.
Elle a également relevé qu’il n’est fait état d’aucune divergence de vues quant à la gestion stratégique de l’entreprise de nature à nuire à l’efficacité des organes de direction.
Elle a au contraire pris soin de relever le « rôle prépondérant » de notre client dans une « opération complexe de croissance externe et plus généralement dans le développement de l’entreprise » et son « parcours sans faute à la direction opérationnelle pendant 10 années » qui contredit totalement les reproches non étayés d’incapacité ou de limites de celui-ci.
Elle en conclut très pertinemment que « la seule décision discrétionnaire du conseil de surveillance » d’évincer un membre du directoire ne peut tenir lieu de « juste motif » au sens de la loi.
Elle conforte ainsi la conception subjective du « juste motif » à savoir que la révocation doit reposer sur un grief tangible au regard de l’intérêt social, et non sur de simples considérations d’opportunité ou de convenance personnelle des décisionnaires.
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