Vers la fin du client mystère ?
Introduction
La Cour d’appel de Lyon rappelle qu’il ne peut être dérogé au principe de loyauté dans l’administration de la preuve que de manière limitée, encadrée et proportionnée, ce qui implique que la technique du « client mystère » est seulement permise aux agents habilités par les articles L 450-3-3 du code de commerce et L215-3-4 du code de la consommation, et à la condition que la preuve des infractions ne puisse pas être rapportée autrement.
Pour qui ?
Une société exerçant l’activité d’opticien à Lyon.
Pour quoi ?
Dans le cadre de sa mission de « moralisation et de défense de l’éthique de la profession des opticiens-lunetiers », un syndicat professionnel a procédé à des contrôles de plusieurs points de vente, dont celui exploité par notre cliente.
Il souhaitait vérifier l’éventuelle pratique irrégulière consistant à faire supporter par les mutuelles une partie du prix des montures en falsifiant les factures.
Pour ce faire, le syndicat a sollicité une société spécialisée dans le recrutement de « clients mystères », et a considéré, au moyen des attestations établies par deux d’entre eux, que notre cliente usait de cette pratique.
Il l’a, dès lors, assignée devant le Tribunal de commerce de Lyon afin qu’il lui soit ordonné de cesser, immédiatement et sous astreinte, ces agissements caractérisant, selon lui, une concurrence déloyale en utilisant des moyens illégaux, et qu’elle soit condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
Comme ça
Dans la mesure où ses allégations reposaient uniquement sur des attestations de « clients mystères », nous avons soulevé l’irrecevabilité des preuves obtenues par le syndicat professionnel, en violation du principe de loyauté dans l’administration de la preuve.
Subsidiairement, nous avons bien entendu contesté les actes de concurrence déloyale qui étaient reprochés à notre cliente.
De manière surprenante, le Tribunal de commerce de Lyon a validé les attestations produites par le syndicat et a donc ordonné la cessation immédiate des « agissements de concurrence déloyale » sous astreinte, et condamné notre cliente à lui verser des dommages et intérêts pour atteinte à l’intérêt collectif de la profession.
La Cour d’appel de Lyon, qui a été saisie par nos soins, infirme le jugement dans toutes ses dispositions et déboute le syndicat professionnel de l’ensemble de ses demandes.
Elle rappelle le principe selon lequel « en application de l’article 9 du code de procédure civile et du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, la preuve obtenue par un stratagème se caractérisant par un montage, une mise en scène, une opération clandestine est déloyale ».
Selon la Cour, les témoignages des « clients mystères » ont été obtenus « par un stratagème caractérisé par le recours à un tiers au statut non défini pour une mise en scène, et sont des preuves déloyales, peu important que la visite de clients mystères ait été, ou non, annoncée au préalable par un communiqué publié dans la presse professionnelle ou par courriers adressés aux opticiens lyonnais ».
Elle précise dans son arrêt qu’ « en autorisant, aux termes des articles L 450-3-2 du code de commerce et L 215-3-4 du code de la consommation, des agents habilités à utiliser la technique du client mystère, le législateur n’a pas consacré la validité du moyen de preuve mais a, au contraire, dérogé de manière limitée et encadrée, au principe de la loyauté dans l’administration de la preuve dans un intérêt public représenté par la poursuite des infractions et manquements prévus par le livre IV du code du commerce concernant les pratiques anti-concurrentielles, la transparence tarifaire et les pratiques restrictives anticoncurrentielles et par le livre II du code de la consommation concernant la conformité et sécurité des produits et des services et ce, de manière proportionnée puisque cette technique est seulement permise pour les agents habilités et à la condition que la preuve des infractions ne puisse pas être rapportée autrement ».
En conséquence, les attestations des « clients mystères » produites par le syndicat professionnel, de même que les ordonnances, devis, factures et feuilles de soins qui leur ont été remises dans le cadre de leur mise en scène, sont irrecevables et ne peuvent entraîner une quelconque condamnation.
* Cet arrêt est susceptible d’un pourvoi en cassation
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